Genève, l’ajout de moût dans le vin enflamme le vignoble
- Jeudi 22 octobre 2015
Valais et Vaud ont déjà interdit l’édulcoration. A Genève, vignerons et négociants sont divisés sur cette méthode décriée.
Faut-il autoriser le «sucrage» du vin pour l’adapter au nouveau goût des consommateurs? Le débat fait rage dans le vignoble. Après avoir interdit les copeaux de bois il y a quelques années, la profession est confrontée à un nouveau procédé très décrié: l’édulcoration. Pour certains acteurs du marché, c’est une manière de résister à la concurrence des vins étrangers. Pour d’autres, c’est un blasphème. «Cette pratique industrielle est en train de déferler sur toutes les appellations, dénonce Willy Cretegny, vigneron à Satigny. Elle va conduire à la «cocalisation» du vin.»
L’ajout de sucre dans le vin n’est pas nouveau. La chaptalisation permet d’en ajouter avant la fermentation pour augmenter la teneur en alcool. Plus récente, l’édulcoration consiste, elle, à ajouter du moût concentré rectifié, appelé MCR, une fois le vin fini. «C’est un sirop qui contient 870 grammes de sucre par litre et que l’on ajoute avant la mise en bouteilles», explique Pierre-André Roduit, chef viticulteur en Valais.
Valais et Vaud disent non
La méthode était jusqu’alors interdite. Mais l’Union européenne l’a autorisée et la Suisse s’est adaptée au droit européen. Depuis 2014, elle autorise cette pratique. Toutefois, elle admet que les cantons édictent des normes plus sévères pour leur AOC. C’est ce qu’a fait le Valais l’année dernière en interdisant l’édulcoration dans son AOC. Les cantons de Vaud et de Fribourg viennent de suivre.
Et Genève? La question divise et l’Interprofession, qui regroupe tous les acteurs du vin, devra bientôt statuer. L’Association genevoise des vignerons encaveurs indépendants (AGVEI) dénonce une «standardisation commerciale». «Le sucre donne au vin plus de gras et de volume, explique Willy Cretegny. Mais nos vins sont traditionnellement secs. L’édulcoration va conduire à une uniformisation du goût.»
S’adapter à la concurrence
«L’édulcoration est une technique comme une autre, estime pour sa part Olivier Barthassat, responsable des achats chez Schenk, gros négociants à Rolle, et représentant des négociants à l’Interprofession. En apportant de la souplesse, elle permet d’adapter le vin au goût des consommateurs.» Les jeunes seraient plus portés sur le sucré. Et les marchés alémaniques sont plus friands de ce genre de vins.
Œnologue à la Cave de Genève, Florian Barthassat, qui s’exprime à titre personnel, partage ce point de vue. «Par rapport à la concurrence, nous ne sommes pas en position de force. Le but reste de faire du bon vin, mais aussi de le vendre.»
Chercher le compromis
La fracture semble opposer les petits encaveurs aux gros producteurs et aux négociants. Mais la fracture n’est pas si claire. «Dans le canton de Vaud, j’étais contre l’édulcoration car le vignoble vaudois, avec 60% de Chasselas, est moins diversifié qu’à Genève, explique le responsable chez Schenk. En revanche, les petits producteurs étaient plutôt pour.» A Genève aussi, les petits encaveurs ne sont pas tous unanimes.
L’ancien conseiller d’Etat Robert Cramer préside l’interprofession. Il ne se prononce pas sur le fond. «Je souhaite que nous puissions trouver un compromis qui satisfasse tout le monde et éviter un vote. Il s’agit de préserver l’image de nos vins.» L’Interprofession pourrait rendre sa décision la semaine prochaine.