Dans le labyrinthe du vin suisse
- Vendredi 13 mai 2016
Le vin suisse, c’est comme le métro de Tokyo: c’est nickel, bien organisé, mais il est très difficile de s’y retrouver. Le visiteur occidental de passage au Japon n’a aucun repère sinon une lettre et un code couleur pour reconnaître la bonne ligne et des numéros pour choisir le bon arrêt. Lors d’un séjour sur place, je m’étais perdu en tentant de prendre une correspondance. Il m’avait fallu près d’une heure pour trouver une bonne âme qui parlait l’anglais et qui m’aide à retrouver enfin le (droit) chemin menant à Chiyoda, quartier du centre de la mégalopole nippone.
Comment affirmer une vraie identité
Un étranger de passage dans le vignoble vaudois ou dans le Vully pour les caves ouvertes, ce week-end, aura les mêmes difficultés pour trouver les meilleurs nectars des différentes appellations. Les 15 000 hectares du vignoble suisse, soit une surface comparable au vignoble alsacien, n’offrent aucun repère intelligible au buveur occasionnel. L’absence de hiérarchie claire dans les AOC, comme celles qui existent à Bordeaux ou en Bourgogne, et un marché très peu segmenté imposent un important travail de prospection pour élaborer une cartographie de la production sur un plan qualitatif. Les concours sont d’une utilité très relative: les meilleurs producteurs n’y présentent souvent pas leurs vins. Le morcellement extrême du vignoble helvète vient encore compliquer l’équation. Ce sont les cantons qui définissent leurs AOC viticoles et les conditions d’attribution des appellations «grand cru» ou «1er grand cru», quand elles existent. Le foisonnement des cépages autorisés – plus de 170 parmi les différentes AOC – renforce encore le flou, sans parler des formes de bouteilles, aussi variées que les saveurs de la cuisine japonaise. A titre de comparaison, l’Alsace possède une bouteille à la silhouette caractéristique et sept cépages autorisés. De quoi affirmer une vraie identité.
«Le vin suisse se mérite»
Je ne compte plus les questions de connaissances qui cherchent leur Chiyoda dans le labyrinthe du vin suisse. Un ami qui a fait les caves ouvertes valaisannes pour la première fois, il y a une semaine, me confiait que la durée du voyage en train ne lui avait pas suffi pour décider où aller. Son constat: «Le vin suisse se mérite.» Cela a son charme, mais il est bien difficile, dans ce contexte, d’imaginer développer l’export, comme cherchent à le faire les offices de promotion. Car si c’est compliqué vu de Suisse, je vous laisse imaginer depuis le Japon.