Actualités

Une bouteille au Palais plutôt qu’à la mer

Source /
Cécile Collet

Hey Berne! L’appel de quatre jeunes vigneronnes et vignerons valaisans sonne un peu comme une pub scandinave. C’est frais, direct, ça interpelle. Mercredi, ils ont lancé une opération séduction qui consiste à ce que chaque producteur suisse – jeune ou vieux – envoie une bouteille de son cru au Palais fédéral pour le début de la nouvelle session parlementaire, et inonde les réseaux sociaux du hashtag #swisswinegreatagain, avec le message: «Nous sommes là, nous sommes le vin suisse!» En gros: goûtez-nous, aimez-nous!

Avant eux, fin octobre, quelque 150 vignerons vaudois et genevois se réunissaient à La Côte, à l’appel d’un jeune producteur de Yens, pour lister des revendications à apporter au conseiller fédéral Guy Parmelin. Le slogan courroucé n’avait rien d’une pub scandinave: «Nous voulons des mesures urgentes ou nous allons disparaître!» C’est grâce à ce mouvement d’humeur, surnommé «les raisins de la colère», et sous son égide que les vignerons monteront à Berne lundi. C’est aussi grâce à lui – ou contre lui – que les jeunes Valaisans ont lancé leur campagne de promotion.

Les deux actions diffèrent par le ton, illustrant les divergences au sein de la relève. Mais une même idée force se love dans chacune d’elles: quoi qu’il se joue au niveau politique, au niveau de l’interprofession, bref de «ceux qui savent», et quoi qu’on en pense, les jeunes vignerons doivent prendre leur destin en main.

Que penser alors de la manière? Faut-il forcer la porte de Guy Parmelin pour aller lui crier sa colère et lui demander des comptes? Le viticulteur de Bursins a-t-il à ce point nettoyé la terre de ses bottes pour être si loin des préoccupations de ses anciens confrères? La campagne de promotion nationale des vins suisses qui débute, financée par moitié par l’Office fédéral de l’agriculture et par moitié par la grande distribution, n’était pas son idée, mais a été ficelée dans son bureau. L’idée venait des interprofessions cantonales, dont les jeunes vignerons pensent parfois qu’elles ne font rien pour eux.

«Les 246 élus se souviendront plus de cet apéro maous que de revendications parfois fantasques»
Faut-il choisir la manière douce, soit offrir plutôt que quémander? Les Valaisans misent sur un petit investissement des quelque 1700 producteurs suisses mais sur un gros retour sur cet investissement. Ils estiment qu’une bouteille au parlement vaut mieux qu’une bouteille à la mer. Si on suit leur pensée, les 246 élus de l’Assemblée fédérale se souviendront davantage de cet apéro maous et goûteux – il s’agissait d’envoyer un de ses meilleurs crus – que de revendications parfois fantasques.

Car non, ce n’est pas si simple de renégocier les contingents d’importation de vins étrangers – les vignerons en colère demandent de passer de 170 millions à 100 millions de litres par année. Ce que l’on gagnerait sur le vin, on le perdrait sans doute sur le fromage. Et comme le conseiller national Frédéric Borloz le disait lors de la dernière Journée du vignoble vaudois, «si on crie qu’on ne vend pas notre vin, on ne va pas nous l’acheter mais trouver une raison pour laquelle on ne le vend pas»!

En offrant l’apéro aux parlementaires, et la vision d’une profession unie et créative à la population, les vignerons suisses pourraient gagner une manche lundi, à la veille des fêtes de Noël et de la période la plus rémunératrice pour eux. En crachant les raisins de leur colère pour défendre le produit de luxe qu’ils façonnent, ils pourraient inciter le consommateur à placer un vin étranger sous le sapin