Un compromis pour avancer
- Mercredi 04 mai 2016
La bataille à laquelle se livraient l’Etat du Valais et l’Interprofession de la vigne et du vin (IVV) en matière de législation viticole est de l’histoire ancienne. Hier matin, ils ont donné une conférence de presse commune pour présenter les modifications de l’ordonnance sur la vigne et le vin (OVV) et les prochains changements qui interviendront dans le monde viticole valaisan.
Neuf séances pour trouver une solution
En Valais, il n’a pas été simple de trouver une solution qui satisfasse tous les acteurs concernés. Il aura fallu neuf séances entre les services de l’Etat et l’IVV pour aboutir à un compromis.
Désormais, des deux côtés, le ton est à l’apaisement. «Ça a été un travail très constructif», assure le chef du Service de l’agriculture Gérald Dayer. «On ne compte pas les points. Il n’y a ni vainqueur ni vaincu», assure de son côté le président de l’IVV Yvan Aymon. Ce dernier ne cache pas que son propre camp était divisé. «L’IVV doit satisfaire à deux visions. Il n’est possible de les satisfaire qu’avec la segmentation du marché.» Une segmentation de l’AOC qui attendra la démarche nationale et eurocompatible AOP et IGP. En effet, un groupe de travail fédéral a été mis en place pour préparer ce changement qui devrait entrer en vigueur dans le cadre de la politique agricole 2021. «L’offre valaisanne doit être fondamentalement repensée dans le cadre de l’évolution du droit national et de la future mise en place des AOP-IGP», estime le conseiller d’Etat Jean-Michel Cina. Pour lui, ces changements majeurs constituent «une grande chance pour le Valais».
De l’interdiction des copeaux aux acquits
En attendant, l’utilisation des copeaux et des moûts concentrés rectifiés, employés pour apporter du sucre au vin, reste interdite pour les vins AOC Valais. Contrairement à une proposition de l’IVV qui avait suscité passablement de débats au sein de la branche.
Rien ne change non plus au niveau de la législation concernant la petite arvine. Une politique de qualité pour ce cépage valaisan est annoncée pour plus tard.
Par contre, comme le voulait l’IVV, plusieurs nouveaux cépages sont admis dans la liste des AOC, alors que d’autres sont aussi acceptés, mais seulement comme améliorateurs, pour apporter de la couleur à un vin. Ils ne peuvent par contre pas être vinifiés en cépages purs. Mais le grand changement prévu par l’ordonnance dans la pratique de la viticulture concerne les limites de production – autrement dit, les acquits. Ceux-ci seront fixés par cépage et non plus par groupe de cépages comme c’était le cas jusqu’ici.
De plus, pour pouvoir contrôler que les apports de vendange correspondent aux droits de production, qui seront donc beaucoup plus détaillés, un nouvel outil va être mis en place sous le nom d’e-vendange. Il s’agit d’une saisie électronique des apports par les caves.
En parallèle, le laboratoire cantonal va développer ses méthodes de contrôle pour garantir l’authenticité des vins. «Ainsi, la traçabilité dans le domaine du vin est, comme pour les autres denrées alimentaires, garantie», assure la conseillère d’Etat Esther Waeber-Kalbermatten.
Pour les vendanges 2017
Comme les modifications de l’ordonnance sont importantes, son entrée en vigueur est prévue pour les vendanges 2017. «Afin de permettre aux professionnels de la vigne de s’adapter», explique Jean-Michel Cina. L’e-vendange, elle, va être testée sur un panel de caves cette année déjà et mise en place pour tout le monde en 2017 également.
1. Pas de copeaux dans le vin
Pour l’instant, la législation cantonale ne change pas. L’utilisation des copeaux de bois reste interdite pour les vins AOC Valais, comme celle des moûts concentrés rectifiés (MCR).
«La Suisse a importé des pratiques œnologiques de l’Union européenne, mais n’a pas importé le cadre juridique», déclare Gérald Dayer, chef du Service cantonal de l’agriculture. Le système législatif européen prévoit deux niveaux: l’AOP et l’IGP, le second étant plus permissif que le premier, mais moins prestigieux.
Moralité: pour l’instant, en Valais on n’accepte pas les copeaux et le MCR, pour l’AOC, mais seulement pour les vins de pays. Demain, ces pratiques seront sans doute acceptées dans le cadre de l’IGP.
L’Interprofession de la vigne et du vin (IVV) souhaitait introduire ces méthodes dans une partie de l’AOC. «Nous avons fait une concession au niveau du timing», reconnaît Yvan Aymon, président de l’IVV. Cette dernière pensait que la segmentation aurait pu se faire rapidement. Il faudra certainement patienter jusqu’à 2022. «Ce sujet a provoqué passablement de débat et d’émotion, mais pour nous, ce n’est pas un dossier prioritaire», nuance Yvan Aymon. jyg
2. Pas de petite arvine pure
En juin 2014, le Grand Conseil a accepté un postulat de la députée suppléante Aïda Lips demandant d’interdire le coupage de la petite arvine. Le Parlement valaisan marquait ainsi sa préférence pour une petite arvine pure. Pour l’instant, la législation n’ira pas dans ce sens. Le chef de l’Office de la viticulture, Pierre-André Roduit, explique: «Le Grand Conseil a demandé d’étudier la possibilité d’effectuer ce changement en accord avec la profession, or la profession estime que ce n’est pas le moment, parce que nous sommes engagés sur le chemin des AOP-IGP.» Gérald Dayer indique que«les modifications législatives se feront dans le cadre de la mise en place du système des AOP-IGP».
Pour la petite arvine, contrairement à l’utilisation des copeaux et des moûts concentrés, c’est l’Etat du Valais qui a fait une concession au niveau du timing. Reste qu’une distinction pour la petite arvine pure est possible avec la Marque Valais, une démarche volontaire. «Pour tenir compte de la réalité du terrain, la petite arvine devra être pure non pas à 100%, mais à 95%», commente Yvan Aymon.
En 2022, la petite arvine quasiment pure devrait se retrouver en AOP.
3. Des acquits par cépage
Le vigneron ne pourra plus produire de plus grandes quantités d’un cépage pour compenser le manque de production dans un autre.
Cette pratique actuelle, voulue pour limiter les baisses de revenus, permet de produire plus dans un cépage lorsqu’un autre a un rendement plus faible. A l’avenir, les limites de production, c’est-à-dire les acquits, seront fixées par cépage.
«Il s’agit de nous adapter au droit fédéral qui prévoit que les limites de production doivent être fixées par cépage», commente Gérald Dayer. Il ajoute que de cette manière, l’interprofession pourra moduler les rendements par cépage.
Pour l’IVV, ce qui importait dans ce dossier, c’était l’obtention d’une certaine souplesse. Yvan Aymon estime l’avoir obtenue, puisqu’il sera toujours possible de faire une compensation entre le pinot noir et le gamay, les deux cépages entrant dans la composition de la dôle, dans une marge de 10%.
4. De nouveaux cépages admis
De nombreux cépages sont plantés en Valais, dont certains ne bénéficient pas de l’AOC. L’ordonnance sur la vigne et le vin élargit la palette des cépages reconnus pouvant obtenir la fameuse appellation. Il s’agit du completer, de la mondeuse, du tannat, du fumin et du divico. Quant à eux, le dakato et le dunkelfelder sont admis dans les vins AOC, mais uniquement en adjonction, jusqu’à 5%, pour apporter de la couleur. Ils ne peuvent pas être vinifiés en cépage pur.
Pierre-André Roduit explique que l’ouverture s’est faite pour des cépages provenant de la région alpine et qui ont été introduits dans le canton depuis un certain temps déjà. C’est le cas, par exemple du Fumin, qui vient de la vallée d’Aoste voisine. Par contre, des cépages dont le nom est lié à des pays lointains n’ont pas été admis dans la liste des AOC.
Cette ouverture ne va pas changer en profondeur le marché des vins valaisans puisque les nouveaux cépages admis représentent «largement moins qu’un pour cent du vignoble», selon Pierre-André Roduit. Le fumin n’est, par exemple, produit que par un seul encaveur. Malgré tout, Yvan Aymon est satisfait, puisque ce changement permet de tenir compte de la réalité du terrain. C’est le marché qui déterminera quels cépages survivront.