Trente experts traquent la flavescence dorée
- Vendredi 16 septembre 2016
Une étrange battue se déroule ce mardi matin dans les vignes de La Tour-de-Peilz. Une quinzaine de vignerons arpentent les allées, à l’affût de ceps atteints de flavescence dorée, dans l’unique région vaudoise touchée par cette maladie de quarantaine incurable. L’autre moitié des 32 experts que comptera dès lors le vignoble vaudois répétera l’opération la semaine prochaine. «Jusque-là, on a fait beaucoup de théorie, il nous manquait la pratique», explique Michel Jeanrenaud, chef de projet au Service de l’agriculture et de la viticulture du canton (SAVI).
Poser un diagnostic
Précautionneusement, les apprentis experts soulèvent les feuilles recroquevillées, tordent les sarments souples et verts ou observent l’absence de grappes sur les six ceps malades laissés là pour l’exercice. Ils se familiarisent avec les trois symptômes de la flavescence dorée, aussi appelée jaunisse de la vigne, qui oblige à l’arrachage. Ils devront être capables de les repérer dans les vignes des confrères qui feront appel à eux en cas de doute, de poser un diagnostic, puis d’alerter le SAVI, qui prendra le relais.
Deux mouches, un risque
Outre la rubalise jaune et noire qui marque les ceps malades, rien n’indique a priori la zone de quarantaine. Sauf, peut-être, les trois parcelles adjacentes, qui arborent des rangées de ceps tout neufs. «On a arraché 7000 m2 de vignes à Blonay et à La Tour-de-Peilz l’année passée, explique Michel Jeanrenaud. Elles étaient attaquées à hauteur de 20 à 30%, c’est irrécupérable. Cette année, ce serait monté à 70%.»
Les six ceps malades seront arrachés juste après l’exercice, mais les vignes qui les contiennent seront épargnées. Un traitement de la zone à l’insecticide a permis de réduire drastiquement le nombre de cicadelles, petites mouches piqueuses qui transmettent le phytoplasme ravageur.
Aujourd’hui, les comptages font état de deux mouches dans la région (contre 450 à Yvorne, où la maladie est absente et, donc, la cicadelle inoffensive). «Le risque est minime, mais tant que des cicadelles infectées volent, il existe», prévient Frédéric Blanc, président de Vitiplus, organe chargé, notamment, d’organiser la formation continue des viticulteurs, et membre du groupe de travail vaudois constitué pour lutter contre la flavescence (lire encadré).
S’inspirer de la Bourgogne
Pour former ses 32 experts, le groupe de travail a convié certains d’entre eux à un voyage en Bourgogne. Depuis 2012, les acteurs du vignoble français, largement touché par la flavescence dorée, quadrillent systématiquement ses 30 000 hectares, isolent les zones infectées et arrachent les plants atteints, avec succès. Un exemple à suivre pour les Vaudois, dont seuls 105 des 3800 ha sont pour l’instant touchés.
Vincent Chabloz, un des trois vignerons-relais de la région de Morges, a fait le déplacement en France. «Maintenant, je me sens assez sûr pour renseigner mes confrères, indique le vigneron de Lully. Ce voyage nous a rassurés, car prouvé que la maladie peut être contenue.» Car c’est bien là l’enjeu: contenir, plutôt qu’éradiquer, une mission quasi impossible selon les spécialistes, et réduire le risque de devoir procéder à des arrachages massifs, lourds économiquement mais aussi émotionnellement, dans un domaine qui connaît déjà le mildiou, l’oïdium ou la suzukii.
En savoir plus
Apparue en 2004 au Tessin, où elle sévit encore, la flavescence dorée a été repérée dans la région de Montreux en 2015. Ce deuxième foyer suisse a poussé le Canton à créer un groupe de travail vaudois - composé du Service de l’agriculture et de la viticulture (SAVI), de la Fédération vaudoise des vignerons, de Vitiplus, de ProConseil et de Vitiplant - qui planche depuis ce printemps (notre édition du 2 juin) sur une stratégie de lutte. Un périmètre de quarantaine de 70, puis de 105 hectares, a été instauré et subit des contrôles accrus. Les ceps qui présentent les symptômes de la maladie y sont marqués, analysés - le bois noir, autre jaunisse de la vigne beaucoup moins grave, présente les mêmes symptômes - puis arrachés si positifs. Hors du périmètre de lutte, les vignerons sont appelés à observer leurs vignes et à signaler les ceps suspects.
Le site Internet du canton donne la liste des vignerons-relais, mais aussi des informations précises sur la maladie. Un site bourguignon est aussi une référence.