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Le meilleur sommelier trouvait que le vin "empestait"

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AFP/NXP, image AFP

Marc Almert travaille à l'hôtel Baur à Zurich. Il a été sacré en mars meilleur sommelier du monde. Pourtant, dix ans plus tôt, il trouvait encore que le vin «empestait».

«Mes parents essayaient toujours de me convaincre de goûter les vins à la maison quand j'ai eu l'âge de le faire - vers 16, 17 ans - et j'ai toujours refusé», raconte le frêle et distingué sommelier allemand du restaurant Pavillon, deux étoiles Michelin, au sein de l'hôtel ultra-luxueux Baur au Lac, à Zurich, Marc Almert. 

«Pour moi, (le vin) empestait et n'avait pas un bon goût. Je ne voulais pas non plus boire avec mes copains d'école. La bière et les alcools, je trouvais ça dégoûtant», confie-t-il.

En mars, cet Allemand de 27 ans a remporté à Anvers (Belgique) le titre décerné tous les trois ans par l'Association de la Sommellerie Internationale (ASI) après un concours de plusieurs épreuves théoriques et pratiques portant sur la connaissance des vins et des alcools, la dégustation en aveugle et le service en salle.

Marc Almert, originaire de Cologne (ouest de l'Allemagne), est devenu le 16e meilleur sommelier du monde. 

«Obsession fastidieuse»

Pour Bianca Bosker, auteure du livre à succès «Cork Dork» publié aux Etats-Unis en 2017, devenir un sommelier de classe internationale «requiert une obsession fastidieuse à l'extrême». 

Dans son livre consacré aux sommeliers, elle les décrit comme «les hédonistes les plus masochistes qu'elle ait jamais rencontrés», soumis à un régime draconien de dégustation et d'apprentissage qui, pour au moins un des sommeliers rencontrés, semble avoir détruit son mariage. 

Marc Almert admet que pour atteindre le meilleur niveau, il faut une détermination inébranlable. «Il n'y a pas de secret. Vous devez juste vous plonger dans les livres, potasser vos fiches, vraiment, vraiment apprendre et approfondir. Et ça prend beaucoup de temps».

 

Mais pour remporter le titre de l'ASI, il faut plus qu'une connaissance encyclopédique des vins, des bières et des alcools. Les candidats doivent aussi être capables de faire face à des scénarios multiples, comme par exemple répondre au souhait d'un client qui ne veut que des vins blancs pour accompagner ses plats.

Marc Almert confie que ses cours d'improvisation théâtrale au lycée lui ont appris à se maîtriser «quand la voix commence à trembler». 

«Pour moi, c'était clair que je n'avais aucune chance (de décrocher le titre de meilleur sommelier au monde), parce qu'il y avait à côté de moi deux excellents collègues, dont l'un était très chevronné et très bien préparé. C'est pourquoi j'étais si calme. Je n'avais aucune pression.»

«Chefs ratés»

Bianca Bosker rappelle dans son livre que le métier de sommelier est «incroyablement ancien», comme l'atteste la Bible, mais que, dans les temps plus modernes, il n'était pas considéré comme un poste prestigieux au sein des restaurants.

«Il fut un temps où les sommeliers étaient des chefs ratés qu'on virait de la cuisine vers la cave», a-t-elle raconté. Cela a changé avec l'arrivée de candidats plus jeunes qu'avant. «Les gens veulent vraiment en faire une carrière. Ce n'est pas simplement une expérience temporaire.»

De plus en plus de femmes font en outre leur apparition dans ce métier jusqu'alors dominé par les hommes, apportant de nouveaux talents, relève Mme Bosker. A Anvers, c'est d'ailleurs une femme qui a fini deuxième sur 66 candidats, la Danoise Nina Hojgaard Jensen.

Pas une «popstar»

Est-ce que sa couronne va faire désormais de Marc Almert la principale attraction du restaurant Pavillon? «En Amérique, les sommeliers peuvent devenir comme des popstars et être presque au même niveau que les chefs», dit-il. Mais «je pense qu'en Europe (...) l'accent est encore mis sur les chefs - ce qui est très bien à mon avis car ce sont eux qui préparent les plats.»

Il reconnaît néanmoins qu'après sa victoire, il y a eu une hausse des réservations. Wilhelm Luxem, directeur général de l'hôtel Baur au Lac, estime que le plus important pour les restaurants haut de gamme est d'avoir des sommeliers à la fois souples et non prétentieux.

«Parfois un sommelier peut se prendre pour un professeur, mais ce n'est pas du tout le cas» de Marc, a-t-il dit. Beaucoup pensent encore que le sommelier est là pour placer des bouteilles hors de prix, a expliqué Wilhelm Luxem, mais la tendance actuelle est plutôt de consommer le vin au verre, mais pas du «vin de table». 

Marc Almert considère que son travail consiste à essayer de deviner l'attente des clients: combien ils sont prêts à dépenser et s'ils veulent faire de nouvelles expériences ou bien rester sur quelque chose de plus classique. «Tout ça me va. C'est mon boulot de formuler les questions.»