Actualités

Quand Divico rencontre Divona

  • Vendredi 07 décembre 2018
Source /
Wolfgang Fassbender

Les nouveaux cépages suisses sont une source de diversité inimaginable

Tout le monde connaît le Pinot Noir, quand à la Syrah même les non-buveurs d’Australie et de Californie en connaissent le nom, quand au Chasselas et au Gewürztraminer vous n'avez pas à leur faire de publicité dans nos régions. Mais au delà de ces cépages bien connus, la Suisse s’est, depuis longtemps, forgée un nom avec ses recherches sur les nouvelles variétés. Surtout celles qui permettent des économies de travail considérables pour le vigneron en raison de leurs propriétés particulières. Seul leur degré de notoriété laisse encore à désirer car en dehors des frontières suisses, les Divico, Divona, Diolinoir et Gamaret sont encore peu connus.

Cela ne changera que progressivement, mais tout le monde dans la branche travaille pour que cela se produise. Le Weinbauzentrum Wädenswil situé sur les bords du lac de Zürich, qui a pour vocation de veiller sur ces recherches, a ainsi invité la presse en novembre 2018 à découvrir le Divona, le premier cépage blanc multi résistant d'Agroscope, issu d’un croisement entre le Gamaret et le Bronner. La recherche durait depuis 20 ans, il était désormais temps de le présenter au monde. 

Il reste encore au Divona à trouver sa place dans le vignoble, à affronter les années difficiles, et des terroirs différents. Il lui faudra aussi trouver un chemin vers le consommateur. Les chercheurs s’inquiètent déjà de savoir quelle sera la réception dans le marché, le style de vin saura-t-il séduire ou encore des variétés déjà établies se révéleront-elles plus attractives à l’avenir.

Résistant aux maladies fongiques: un avantage dans le vignoble

Bien sûr, s’il ne s’agissait que d’alléger le travail à la vigne, beaucoup parleraient en faveur des nouvelles variétés. Surtout celles qui ont été élevées pour mieux résister aux maladies fongiques. 

Le Garanoir, cépage rouge issu du Gamay et du Reichensteiner, est déjà cultivé en Suisse sur 229 hectares. Le Gamaret (430 hectares, mêmes parents) a encore plus de succès, ce qui en fait le quatrième cépage rouge le plus important du pays. Le Diolinoir, élaboré à partir de Rouge de Diolly et de Pinot Noir, s'est également imposé chez les consommateurs, le Divico, plus récent, un croisement de Gamaret et de Bronner, est encore considéré comme une bonne idée. 

Néanmoins, presque tous les producteurs qui se sont essayé à la culture de ces cépages multi résistants, sont enthousiastes. "Dans les années normales, il ne demande aucun dans le vignoble", déclare le viticulteur valaisan Didier Joris, qui loue simultanément les propriétés gustatives, la capacité à inspirer dès les premières annéeset à apporter des tanins souples. "Un vin simple, mais bon." Il occupe au moins 30 hectares dans toute la Suisse, ce qui est particulièrement marqué dans le canton de Genève, qui est devenu le paradis des nouvelles variétés.

Mais planter ces nouveaux cépages ne suffit pas. Il faut aussi les commercialiser ce qui n’est pas toujours facile avec un nouveau nom, à peine connu du consommateur, sur l’étiquette. 
Les récompenses lors de concours de vins nationaux, les critiques de dégustateurs de renommée internationale ou un assemblage au nom fleuri avec des variétés plus connues peuvent y contribuer.

Un viticulteur et précurseur, Christian Dugon à Bofflens dans les Côtes de l’Orbe (Vaud), a remporté de nombreux succès, et n'hésite plus à proposer des vins de cépages comme le Gamaret, Garanoir ou la Mara (Gamay x Reichensteiner, 13 hectares en Suisse). Un succès!

La durabilité comme argument pour le consommateur

Encore faut-il pouvoir entrer en matière avec le consommateur. Dans les cépages blancs, probablement plus encore que dans les rouges, en effet les consommateurs sont très habitués, voir attachés, aux caractéristiques gustatives d’un Chasselas, d’un Sauvignon blanc, d’un Riesling ou encore d’un Heida (Savagnin blanc). Pourtant il existe des nouveaux cépages blancs convaincants, comme le Johanniter réalisé en Allemagne. Et à l’avenir peut-être aussi le Divona. Peter Märki, le directeur du Weinbauzentrum de Wädenswil en est déjà convaincu. "Il résiste aux maladies les plus importantes de la vigne et convient parfaitement à la production de vins de haute qualité." 

Un autre facteur est important pour les experts des bords du lac de Zurich: la durabilité. "Nous sommes convaincus que les cépages tolérants joueront un rôle important dans l'avenir de la viticulture suisse." À une époque où tout le monde parle de protection de l'environnement, c’est un argument très important. Roland Lenz de la cave Bioweingut Lenz à Uesslingen (Thurgovie) est l'un des spécialistes germano-suisses des variétés résistantes aux champignons dans le vignoble,  lui aussi est optimiste : "De nouvelles variétés robustes avec de nouvelles saveurs, c'est une innovation qui séduit les consommateurs ouverts."

Il est difficile de croire que des cépages classiques comme le Räuschling, le Cornalin où le Merlot disparaîtront du vignoble suisse au cours des prochaines décennies. Ils contribuent à faire la réputation des vins suisses! Et les meilleurs Chasselas du Dézaley ou les meilleurs Pinot noir jamais produit aux Grisons n’ont pas encore été égalés par des vins issus des nouveaux cépages suisses. Du moins pas encore!