Après les épisodes de gel, dans les caves valaisannes, on pense à l'après de trois manières différentes. Certains font appel au public, d'autres modifient leur carte et d'autres encore font confiance à la nature. Au fil des rencontres dans le cadre des Caves ouvertes des vins du Valais, six encaveurs nous livrent leurs recettes pour surmonter le terrible épisode de gel qui a frappé la vigne valaisanne ce printemps. 

Ils font appel à leurs clients

Didier Joris: Ses clients lui prêtent 120 000 francs

Le Chamosard Didier Joris a perdu entre 85 et 90% de sa vendange, entièrement bio. Pour faire face à un manque de liquidités à venir il a trouvé une solution originale. Il a vendu à l’avance ses récoltes futures. «Dès que j’ai constaté l’étendue des dégâts, j’ai écrit une lettre à tous mes clients. Je leur propose de participer à «l’action gelée de printemps» en me versant le montant de leur choix, montant qu’ils peuvent récupérer en vin entre le 1er janvier 2019 et la fin 2022. C’est une forme de prêt sans intérêt.»

L’appel a reçu un écho sans précédent. En un peu plus de deux semaines, ce sont 120 000 francs qui lui ont été versés. «J’espérais 100 000 francs, je vais arriver au double de ce montant.» Il explique ce succès par le fait d’avoir réagi rapidement, parmi les premiers, et par la composition de sa clientèle.

«En 40 millésimes, ma clientèle est plus composée d’amis que de clients. Comme je propose des vins relativement chers, j’ai beaucoup de clients haut de gamme.» Plusieurs d’entre eux ont participé à l’action à coup de plusieurs milliers de francs. Il espère maintenant avoir droit à la compréhension du fisc et ne pas être taxé cette année sur ces revenus anticipés.

Didier Joris a aussi rapidement réagi sur le terrain en arrachant les ceps gelés et en replantant.

Cave Lamarive: Une opération de crowfunding va être lancée

Julien Duc avait envisagé de lancer une opération de crowfunding avant même que le gel ne frappe le vignoble valaisan. «Le concept est simple. Pour un versement de 100 francs, le participant a droit à une bouteille de spécialité chaque année pendant 5 ans pour une valeur totale de 110 francs.»

Le but de l’opération, qui se fera non pas par l’intermédiaire d’un site internet dédié à ce genre d’opération mais en direct avec des clients et des amis, a pour but de financer le défoncement et l’achat de vigne.

C’est là un moyen de préparer l’avenir de la cave, cela n’empêche pas le présent d’être difficile. «Je travaille à 100%, mais je sais que je serai payé à 80%...», constate Julien Duc.

Ils ciblent ce qui sera perdu

Christophe Jacquod: Une diminution du volume de vrac

«Même si j’ai perdu 40% de la vendange, nous avons assez de vins pour fournir nos clients. C’est important de le dire.» Si Christophe Jacquod peut servir sa clientèle, c’est qu’il a va réduire le nombre de litres qu’il vendra en vrac. Pour passer ce cap difficile, il va aussi retarder certains investissements.

L’encaveur de Bramois n’attend rien de l’Etat. «On nous propose des prêts. Des dettes, j’en ai déjà assez! Nous avons besoin d’un fonds de soutien. L’industrie est aidée depuis longtemps, nous nous avons besoin d’un coup de main ponctuel.» Il ne cache pas un certain agacement. Il espère un peu de compréhension au niveau des rendements des vignes qui n’ont pas été frappées pour le gel, ce qui permettrait de compenser les pertes subies ailleurs. «Au nom de la qualité, il ne faut pas tuer la profession.»

Cave des Sans terre: La gamme des vins va être réduite

«Certains vins ne figureront pas sur ma carte l’année prochaine. Je vais devoir réduire la gamme. Je n’aurai pas d’humagne blanche par exemple. Je ne suis pas sûr de pouvoir sortir notre assemblage», indique Nicolas Gaudin, le responsable de la cave sédunoise.

Pour l’instant, il n’a pas encore écrit à ses clients. «Je communiquerai lors des prochaines caves ouvertes de la cave. J’expliquerai aux clients que s’ils veulent de l’humagne blanche, il faut se dépêcher d’acheter celle de 2016, parce ce qu’il n’y en aura pas le millésime suivant.» Il reste positif, car il pense qu’il peut faire passer le message. «Je proposerai moins de produits, mais ceux que je vendrais seront de super qualité.»

Par rapport à la récolte, Nicolas Gaudin voit poindre un petit espoir. «Sur les vignes qui n’étaient pas gelées à 100%, des grappes sont sorties. Elles ont trois semaines de retard, il faudra voir comment elles vont mûrir. Si la mouche suzukii ne nous embête pas trop, on peut avoir quelque chose.»

Ils font confiance à la nature

Domaine du Mont d’Or: «On ne sait pas ce qui a été perdu»

Responsable des vignes du domaine du Mont d’Or, Vincent Fellay refuse de sombrer dans le pessimisme par rapport aux vignes gelées. «On parle de ce que l’on ne connaît pas. On ne sait pas comment la fleur va passer. Ce n’est qu’après qu’on pourra pleurer ou rire.»

Si le vigneron garde le sourire pour l’instant, c’est que le domaine a été relativement peu impacté par le gel. Il estime l’impact à 15%. «Nous avons été moins touchés parce que nous avons un vignoble en terrasses.»

Cave du Moury: La même perte que les années de petites récoltes

Du haut de ses 71 ans, Edy Vocat prend la situation de gel avec philosophie. «Je n’ai jamais vu un tel gel, mais on oublie qu’on a eu de bonnes années.» Même s’il a été frappé assez fortement par le gel, il relativise l’impact. «Avant la belle récolte de 2016, nous avons connue trois petites vendanges. Nous en étions à 30% en dessous d’une récolte normale. C’est à peu près ce que nous perdrons cette année.»  

Il ne souhaite pas de soutien étatique pour lui. «Il faut par contre aider les jeunes. Pour ceux qui viennent de commencer dans le métier, c’est difficile.» Il sollicite une autre forme de soutien. «Il faut qu’ils nous allègent la paperasserie. C’est toujours pire.»