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Les vins profitent de la canicule, mais pas à long terme

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Lucie Monnat

Plante méditerranéenne, la vigne résiste bien aux grandes chaleurs. Mais le réchauffement climatique pose des défis aux viticulteurs.

Toute cette chaleur donne soif. Ça tombe bien, les vignes profitent généralement des coups de chaud de l’été, évidemment sous certaines conditions et selon les cépages. Certes, les températures extrêmes provoquent des dégâts sur les cépages, comme des brûlures ou des ralentissements de croissance. Mais la vigne, plante d’origine méditerranéenne, s’adapte plutôt bien à la hausse des températures et résiste bien à la sécheresse. À long terme, les œnologues, en Suisse comme dans le reste du monde, étudient les manières de mieux répondre aux changements climatiques.

Des grappes plus sucrées…

Une canicule peut augurer d’un millésime exceptionnel, notamment parce que la vigne a besoin de peu d’eau. Mieux, un stress hydrique, maîtrisé, permet non seulement de réduire les risques de pourriture, mais il est surtout synonyme de grappes bien sucrées et aromatisées. Le raisin gagne en maturité tout en perdant en acidité, pour le plus grand plaisir des palais fins. C’est particulièrement vrai pour les cépages rouges. Les cépages blancs, à l’instar de la petite arvine, sont davantage sensibles à la sécheresse et peuvent voir leurs arômes désagréablement altérés.

En tous les cas, pourtant, les bénéfices de la chaleur ne se récoltent qu’à condition que la canicule ne dure pas trop longtemps. En 2003, en raison de la durée exceptionnelle de l’épisode de chaleur ayant touché l’ensemble de l’Europe, les vignes suisses ont perdu de précieux éléments nutritifs, rappelle l’Agroscope, particulièrement attentif aux effets du changement climatique sur la viticulture.

… et des vins plus alcoolisés!

Qui dit plus de sucre dit aussi plus d’alcool après la vinification. La chaleur a aussi tendance à augmenter la teneur en alcool des vins. En France, depuis trente ans les vins du Languedoc, d’Alsace, du Bordelais, du Val de Loire et des Côtes du Rhône ont gagné entre 0,5 et 1 degré d’alcool par décennie!

Vendanges précoces

Autre effet de la hausse des températures, les vendanges débutent toujours plus tôt: les épisodes de chaleur accélèrent la maturation des grappes. L’an passé, les vignerons romands se sont mis à la tâche dès la première quinzaine de septembre. En Allemagne, les vendanges ont carrément débuté au mois d’août! On est loin du traditionnel mois d’octobre, en vigueur il y a quelques années encore, comme en témoigne le calendrier des vacances scolaires. À l’époque, toute la famille était mobilisée. 

Sans compter qu’entre la maturité précoce de certaines grappes et celle très tardive d’autres ayant souffert du gel, la période des vendanges s’est considérablement allongée. Il n’y a d’ailleurs pas que le calendrier des vendanges qui est chamboulé. Les hivers étant plus chauds, les bourgeons font une apparition toujours plus précoce, fragilisant la vigne avant les gelées.

À long terme

La canicule peut donner lieu à des millésimes riches et colorés, à condition que certaines bonnes conditions soient réunies. À plus long terme, cependant, la répétition des sécheresses et des épisodes de grande chaleur menacent la diversité des arômes. Afin de préserver la qualité de certains crus, l’Agroscope recommande notamment de commencer à déplacer certains cépages vers des coteaux plus frais.

D’autres problèmes menacent également cette plante résistante, malgré ses bonnes capacités d’adaptation. Les grosses chaleurs favorisent l’apparition et la multiplication des ravageurs, tout comme des maladies fongiques. S’ajoutent à cela l’augmentation d’autres épisodes extrêmes, comme les orages, les vents violents ou les pluies abondantes. Plusieurs vignobles ont d’ailleurs subi ces dernières années d’importants dégâts. Récemment, l’orage qui a frappé Genève le 15 juin dernier a fortement compromis la récolte des viticulteurs genevois. En 2017 déjà, ceux-ci avaient été durement frappés par un violent orage, comme leurs confrères valaisans.

Une étude examinant les effets économiques du réchauffement climatique sur la vitiviniculture suisse prévoit ainsi que la multiplication des événements extrêmes entraînera fatalement une baisse de l’offre et par conséquent une hausse des prix des vins suisses. «En outre, cela entraînera probablement une augmentation des coûts de production sur le long terme et des effets sur la valeur du vignoble, écrivent les auteurs. Il est donc nécessaire de développer des stratégies d’adaptation en raisonnant globalement et entre les disciplines, par exemple en repensant le zonage du vignoble et en développant des cépages résistants.»

Nouvelles technologies et nouveaux cépages

C’est justement l’objet de travaux majeurs, depuis plusieurs années, de la recherche en viticulture de l’Agroscope. L’institut a ainsi développé de nouveaux cépages par clonage, hybridation et croisement, créant des vignes plus résistantes aux maladies. En 2013, l'Agroscope a notamment lancé sa création, le vin divico, «résultat de la recherche en réponse à l’adaptation des variétés aux conditions climatiques pour une production durable et respectueuse de l’environnement. Cette variété ne requiert que deux ou trois traitements phytosanitaires, contre sept ou huit pour les cépages habituels.»

La technologie vient en outre toujours plus en aide aux viticulteurs, notamment grâce à de nouveaux outils permettant une surveillance constante des vignes. Enfin, les viticulteurs suisses ont désormais tendance à planter des cépages mieux adaptés aux températures plus élevées, telles que le merlot ou le cabernet sauvignon, principaux cépages des vins de Bordeaux. En France, les spécialistes prédisent une migration progressive de sa production de vin vers le nord.