Nos vins à la conquête du monde
- Samedi 17 mars 2018
Stephane Reinhardt, le responsable pour la Suisse du prestigieux Guide Parker en est sûr: le terroir suisse pourrait rivaliser avec les plus grands domaines internationaux. Amigne, Chasselas et Pinot noir helvétiques, pour ne citer qu’eux, rivaliseront-ils un jour sur la scène internationale avec les grands pays viticoles comme la France, l’Italie ou les États-Unis et leur Napa Valley?
Possible, estime Stephan Reinhardt. Dans une interview donnée à la spécialiste du vin Chandra Kurt et publiée sur le site de Swiss Wine, le responsable de la Suisse pour le célèbre Guide Parker chante les louanges de son terroir vinicole, notamment sa diversité: «C’est en vinifiant des vins authentiques que la Suisse se placera parmi les meilleurs producteurs de vin du monde.» Les meilleurs producteurs de vin du monde? Une perspective qui fait assurément rêver. Même si l’exportation actuelle de la production helvétique peine à décoller de ses 1 à 2% annuels.
Vingt ans d’effort
Alors, cette prédiction de Stephan Reinhardt paraît-elle réaliste pour les professionnels du secteur? «Il ne manque pas grand-chose, confirme Jean-Marc Amez-Droz, directeur de Swiss Wine Promotion. Juste le temps de permettre à l’ensemble des acteurs du secteur de reconnaître les efforts qualitatifs faits depuis vingt ans par la viticulture suisse. Les chiffres d’exportation sont en partie liés à la réputation mais surtout à la faible quantité produite. Nos vins couvrent 35% de notre consommation. Pendant longtemps les producteurs ont donc été peu enclins à aller sur un marché international alors qu’ils pouvaient écouler leur produit sur place. Et il y a aussi un héritage du passé à prendre en compte. Pendant longtemps, la viticulture suisse a été protégée par des contingents d’importation pour inciter les producteurs à rester sur le marché interne pour répondre à la demande. »
Les années 1990 et une nouvelle génération de vignerons intéressée à développer et à valoriser des cépages indigènes ont fait changer les choses. Une dynamique qu’il s’agit de faire connaître au-delà de nos frontières. Mais avec une production aussi confidentielle, cela fait-il vraiment sens de vouloir conquérir le monde? «Il y a des efforts à faire pour la reconnaissance de la qualité et de l’originalité de nos vins. Si nous sommes les seuls à dire qu’ils sont bons, le sont-ils vraiment? Mais cela prend du temps. Le premier grand cru classé de Bordeaux date de 1855.
Mais on observe déjà une évolution. Il y a quelques années, on organisait des voyages de presse à l’intention de journalistes spécialisés étrangers. Il fallait vraiment insister pour qu’ils viennent. Aujourd’hui, ce sont eux qui sont demandeurs d’adresses, de contacts et qui viennent vers nous dans les foires internationales. On est actuellement dans une position de région viticole à découvrir.»
Une qualité désormais reconnue par de nombreux prix et distinctions glanés par les vins helvétiques. «Le vin est un produit très subjectif, très lié à l’image que l’on se fait de la région, estime Yvan Aymon, président de l’Interprofession de la vigne et du vin du Valais. Un vin du Bordelais ou de Bourgogne ne sera pas perçu à la dégustation comme un vin anglais. Il faut donc que l’image de notre pays soit associée à la viticulture.
En Suisse, on se définit beaucoup selon ce que les autres pensent de nous. Si un de nos vins se retrouve sur la carte d’un grand restaurant de Zurich, le Zurichois va se dire que c’est sûrement un bon produit et l’acheter quand il revient de son séjour. Dans ce sens, les distinctions internationales sont très importantes. Mais on avance par petits pas.
Nous n’avons pas le volume pour envoyer du vin dans tous les concours partout dans le monde ou pour lancer de grandes campagnes. Mais les choses avancent. Il y a quelques années un guide comme le Parker ne nous connaissait pas, et cette année Marie-Thérèse Chappaz a deux vins à 99 sur 100.
Maintenant que les objectifs quantitatifs sont gentiment atteints - même si on peut toujours mieux faire évidemment il y a un gros travail de relations publiques à effectuer.»
L’avenir: du haut de gamme
Présence et communication, deux actions que confirme l’ingénieur œnologue Philippe Bujard. Assorties d’une clarification de la pyramide des prix. «Comme pour l’horlogerie suisse, la viticulture s’en sortira par le haut. Les vins de très grande qualité devraient être plus chers qu’ils ne le sont actuellement. On a encore trop souvent peur de le faire.
Exporter du vin coûte très cher, et notre production ne nous permettra jamais de développer un marché de masse. Mais un jour les vins haut de gamme issus du vignoble suisse pourront côtoyer les crus classés de Bordeaux, les Romanées Conti dans les caves des plus beaux restaurants du monde. Mais il faudra aussi apprendre à communiquer ensemble.»