Lutte massive contre la jaunisse des vignes
- Jeudi 02 juin 2016
Elles portent un joli nom, la flavescence dorée et la cicadelle. Pourtant, cette maladie de la vigne et l’insecte qui la propage pourraient, si l’on ne fait rien, décimer le vignoble vaudois en un ou deux ans. Découverte l’automne passé sur les hauteurs de La Tour-de-Peilz, la jaunisse hypercontagieuse – un phytoplasme qui s’attaque à la sève des ceps et contre lequel aucun traitement curatif n’existe – est aujourd’hui combattue avec acharnement par des mesures de quarantaine et d’épandage d’insecticides obligatoires. La mouche suzukii fait pâle figure à côté de ce qui est décrit comme un véritable fléau.
«Nous avons arraché 7000 m2 de vignes à Blonay et à La Tour-de-Peilz en 2015, relate Michel Jeanrenaud, du Service de l’agriculture et de la viticulture vaudois. Aujourd’hui, ce sont 105 ha qui sont mis en quarantaine, soit 2,8% du vignoble vaudois (ndlr: 3811 ha).» La zone touche six communes: Vevey, Veytaux, Saint-Légier-La Chiésaz, Blonay, La Tour-de-Peilz et Montreux (voir infographie ci-dessous). Dans cette région, les ceps suspects devront être analysés (seule une analyse moléculaire d’Agroscope permet de différencier la flavescence du bois noir, autre jaunisse beaucoup moins grave), puis arrachés. Parallèlement, un insecticide, mis à disposition par le Canton, permettra d’éliminer la cicadelle, vecteur de la maladie.
Insecticides mal perçus
Dans un contexte où les insecticides ont déserté les vignes et où le bio a le vent en poupe, la nouvelle crispe la profession, qui devra pourtant se plier à l’obligation de traiter. «Nous ne savons pas encore quelle part de l’iceberg nous avons repérée, mais ce serait criminel de ne pas tenter l’éradication», justifie Alfred Klay, de l’Office fédéral de l’agriculture.
Point important, les vignobles hors quarantaine, même s’ils hébergent la poétique cicadelle et méritent une surveillance, ne doivent en aucun cas être traités.
Propagation par l’homme
Car il est inutile de clouer la cicadelle au pilori. Présente sur tout l’arc lémanique depuis le milieu des années 2000 (1996 à Genève, puis vers l’est), la bestiole nord-américaine n’est nuisible que si elle est porteuse de la maladie. Présente en grand nombre au Tessin depuis 1967, elle n’est combattue que depuis l’apparition de la flavescence dorée, en 2004. La maladie n’y est toujours pas éradiquée, mais son taux d’infection a fortement baissé. Aujourd’hui encore, 85% du vignoble tessinois est traité.
Le même sort est-il réservé au canton de Vaud? Alfred Klay ne le pense pas. Pour lui, la non-résolution du problème est liée à l’homme plus qu’à l’insecte. «Le nord des Alpes est en zone protégée, pas le Tessin.» Conséquence: les plants importés doivent ici être traités et montrer patte blanche, soit un passeport phytosanitaire qui témoigne de leur santé. Alors que les plants italiens arrivent au Tessin sans sésame.
Un problème de première importance
Agroscope a organisé une conférence de presse autour de cette jaunisse qui met Lavaux en quarantaine. Trois questions à Olivier Viret, responsable de recherche à Agroscope Changins.
Convier la presse pour parler d'une bactérie, c'est plutôt rare, non?
Oui, c'est exceptionnel, et cela montre que la flavescence dorée représente un problème de première importance, qui demande la mise au point d'une lutte complexe, si on veut éviter une épidémie qui se propagerait au-delà des parcelles contaminées.
Où se trouvent ces parcelles touchées et que vont-elles devenir?
Il s'agit de 105 hectares situés sur six communes entre Montreux et Vevey (Saint-Légier-La Chiésaz, Veytaux, Blonay, La Tour-de-Peilz). Ces vignes - y compris chez les particuliers - sont mises en quarantaine, traitées à l'insecticide (pour éliminer la cicadelle, insecte vecteur de la maladie) dès mi juin, et les ceps touchés et donc incurables sont arrachés.
Dans quel but communiquez-vous à large échelle? Cela n'avait pas été le cas pour la mouche suzukii...
La suzukii ne vous fera pas claquer une vigne, la flavescence dorée, oui! Nous voulons éviter la phobie des viticulteurs, en montrant que la lutte s'organise - au niveau cantonal et fédéral - et que nous apportons des solutions. Mais nous voulons aussi rassurer les gens sur l'utilisation que nous allons faire d'insecticides pour éradiquer cette forme de jaunisse: il ne s'agit que de traiter 105 hectares sur 3811 ha que compte le vignoble vaudois.
Signes visibles
La flavescence dorée décolore la feuille et la fait se recroqueviller. Problème: ses symptômes visibles sont identiques à ceux du "bois noir", beaucoup moins grave.
Le site du canton consacré à la maladie ou sur www.flavescencedoree.ch