Le Cornalin, un rouge capricieux
- Lundi 19 septembre 2016
Le Cornalin du Valais, ou «rouge du pays», avait presque disparu avant de redevenir la spécialité rouge emblématique du canton, puissante, fruitée et sensible.
En presque 25 ans, la surface de vignes dédiée à ce cépage a décuplé en Valais, passant de 14 ha en 1991 à 139 ha en 2015. Un succès dû à son potentiel élevé, comparable à celui des grands vins rouges internationaux. Fin et racé, le Cornalin développe des accents de pruneau, cerise noire ou griotte, et des notes épicées. L’oublier à la cave patinera son caractère souple et son corps charpenté.
De saison, il s’accorderait bien avec la brisolée – châtaignes, fromages corsés, lard et viande séchée. Il est aussi bon compagnon de l’agneau, du lapin, ou encore du gibier pour un vin plus mûr.
Sensible au soleil
Capricieux, ce cépage est difficile à cultiver. Ses rendements peuvent alterner fortement d’une année à l’autre. C’est pourquoi les vignerons lui avaient préféré d’autres cépages plus faciles (gamay, pinot noir) au début du XXe siècle. Tardif, il nécessite un ensoleillement parfait. On lui réserve les meilleures vignes, comme la parcelle de Champmarais, exposée plein sud, au-dessus de Vétroz. «Nous sommes particulièrement aux petits soins avec cette vigne, explique Gilles Besse, œnologue-associé à la cave Jean-René Germanier. Il faut limiter minutieusement la charge si l’on veut que le raisin arrive à maturité de manière homogène, et ainsi assurer une grande qualité.»
Tels des mécaniciens sur leur machine à vapeur, les vignerons recherchent le délicat équilibre de la vigne. «Les rangées sont enherbées, raconte Gilles Besse. L’herbe concurrence la vigne qui doit se battre pour gagner son eau. Cela permet de maîtriser la vigueur des sarments (ndlr: les rameaux qui poussent sur le cep) pour des raisins plus petits et plus concentrés. Nous trions aussi les grappes sur la vigne juste avant la récolte pour ne garder que les meilleures. Il faut effeuiller dans la zone des grappes, mais pas trop, sinon le raisin risque de prendre un coup de soleil.»
La date de la récolte est discutée jour après jour jusqu’à la veille. Récolté le matin pour qu’il soit frais, le raisin de cette parcelle est macéré et fermenté directement dans des barriques de chêne neuves pendant un mois. «Ainsi les tannins du raisin et du bois sont extraits en même temps et s’harmonisent bien.» Ce vin mûrit ensuite deux ans dans ces mêmes barriques avant d’être mis en bouteilles pour la vente.
De l’Italie au Valais
Le Cornalin est considéré comme un cépage indigène du Valais. Il est pourtant le croisement naturel entre deux cépages du val d’Aoste, le Mayolet et le petit rouge, inconnus en Valais. Aujourd’hui, on ne trouve plus trace de Cornalin du Valais côté italien. Mais pour compliquer les choses, il existe au val d’Aoste un cépage que les Valdôtains appellent Cornalin: «C’est en fait de l’Humagne rouge, explique José Vouillamoz, biologiste spécialisé dans le traçage ADN des cépages du monde entier. L’Humagne rouge, ou Cornalin du val d’Aoste, est née du croisement entre le Cornalin du Valais et un cépage inconnu.» Un imbroglio qui ajoute une saveur mystérieuse au Cornalin, celle d’un bon vin.