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Le blaireau, amateur de raisin

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Photo: Florian Cella
En dix ans, les vignerons genevois ont été indemnisés à hauteur de 106 000 francs pour des dégâts causés par le mustélidé.

Il y a une certaine délicatesse dans sa manière de procéder. Sur son passage, les grappes disparaissent proprement. Les pieds de vignes ne sont pas amochés, la terre n’est pas retournée. Comme si, au moment des vendanges, le blaireau participait à l’effort général de cueillette. Sauf que dans son cas, les raisins ne viennent pas garnir les paniers des saisonniers. L’animal, gourmand, préfère les avaler.

Anecdotique? Pas vraiment. Emilienne Hutin, du domaine du même nom situé à Dardagny, est confrontée au mustélidé depuis quelques années. D’expérience, elle parle de «bouts de lignes vendangées», sans cacher son agacement. Son voisin Guy Ramu, du domaine de Chafalet, parle de «présence importante et problématique» de blaireaux aux abords des vignes. Au point que les dégâts engendrés sont systématiquement communiqués aux autorités cantonales.

Au service des gardes de l’environnement justement, le chef, Alain Rauss, recon naît un «réel problème dans certains vignobles genevois». Des secteurs sont particulièrement concernés, à commencer par les communes du Mandement – Russin, Dardagny et Satigny. «Les terrains en pente et les sols meubles de la zone en font un lieu d’habitation idéal pour les blaireaux, qui vont parfois jusqu’à s’établir au cœur des domaines viticoles.»

Dans l’ombre des sangliers

Selon les données du service, ces animaux ont coûté à l’Etat quelque 106 000 fr. en dix ans pour leurs seuls dégâts dans les vignes. A titre d’exemple, les indemnisations versées aux agriculteurs s’élevaient à 14 070 fr. en 2015. C’est plus qu’en 2014 (5221 fr.) mais beaucoup moins qu’en 2008 (31 319 fr.)

Si le phénomène n’est finalement pas nouveau, tous les acteurs s’accordent à dire qu’il est aujourd’hui de plus en plus visible. En cause, la bonne gestion du cas des sangliers, dont les traces laissées dans les vignes avaient tendance à masquer celles des blaireaux. De 91 625 fr. d’indemnisation en 2008, la facture des dégâts causés par ces suidés est passée à 595 fr. en 2014 et 0 fr. en 2015. Pour atteindre ce résultat, des bêtes ont dû être tirées (240 en 2015) mais pas seulement. D’autres mesures préventives existent. Les sangliers peuvent par exemple être nourris en amont afin de leur ôter l’envie de rôder dans les vignes.

Trappes antiretour

Des solutions qui pourraient être appliquées au blaireau? Alain Rauss rappelle que «jusqu’à présent, l’animal n’a jamais été tiré» et que «tout est mis en œuvre pour éviter d’en arriver là». Les vignerons sont aidés financièrement pour barricader leurs plantations à l’aide de treillis électrifiés.

Pour le cas des blaireaux résidents des domaines, le Service des gardes de l’environnem ent encourage le déménagement. Des trappes empêchant leur retour au terrier peuvent être installées, pour une efficacité encore toute relative. «C’est sans compter sur les entrées secondaires et l’attachement au territoire de la bête, analyse François Dunant, spécialiste genevois des mustélidés. La vraie solution consiste à suivre de près la population du secteur et déloger les individus avant qu’ils ne prennent leurs aises dans une zone problématique.»

 

Combien sont-ils?

Pour François Dunant, spécialiste genevois des blaireaux, il est impossible de livrer un chiffre fiable quant à leur population dans le canton. Pour y parvenir, des études et des suivis devraient être mis en place, sachant que l’animal connait plusieurs terriers et peut passer de l’un à l’autre. 

En revanche, les observations amènent le spécialiste à penser que les blaireaux «se portent bien» à Genève et que leur nombre est «en légère augmentation». 

Du côté du Service des gardes de l’environnement, on précise que le mustélidé, problématique en période de vendanges, peut rendre service à l’agriculture en d’autres circonstances. En effet, il consomme volontiers les vers blancs et autres limaces.