Actualités

Former pour mieux vendre

Source /
Caroline Goldschmid

Parmi les nouveautés lancées par Swiss Wine Promotion cette année, un nouvel outil de formation destiné au personnel de service. Son directeur nous en dit plus.

Arrivé en septembre 2015 à Swiss Wine Promotion en tant que secrétaire général, Jean­Marc Amez­ Droz porte, depuis quelques mois, le titre de directeur. L’organisation, dont le statut est passé d’association à société́ anonyme à la fin de l’été́ dernier, a pour principale mission de promouvoir les vins suisses dans notre pays et à l’étranger. La semaine dernière, GastroJournal a rendu visite au sédunois.

 

GastroJournal: En novembre 2015, Gastro Journal avait consacré un article en lien avec les pertes de parts de marché du vin suisse dans notre pays. En 2014, elles ne représentaient que 37% et avaient baissé par rapport à l’année précédente. Qu’en est-il aujourd’hui?

Jean-Marc Amez-Droz: En 2017, les Suisses ont bu 252 millions de litres de vin, dont quelque 89 millions de litres d’origine suisse, ce qui représente 35%. Et la récolte 2017 est de 79 millions de litres. Il est évident que la part des vins suisses va encore baisser. Cela dit, comparer les chiffres, c’est facile, mais il faut voir ce qu’il y a derrière. Dire que les vins suisses perdent des parts de marché n’est pas le constat correct puisque les vignerons ont vendu leur vin. Nous devons juger sur la valeur ajoutée. Les années 2014 et 2015 ont connu de petites récoltes et on ne peut pas vendre plus que ce qu’on a produit! Si les parts de marché étaient en baisse et les caves pleines, nous aurions pu craindre qu’il y ait un désamour pour le vin suisse. Il se trouve que les consommateurs recherchent des produits suisses, mais notre objectif n’est pas de vendre plus que ce qu’on a ni d’inciter les producteurs à produire du volume plutôt que de la qualité́. Il s’agit d’expliquer et de convaincre que le prix demandé est en relation avec le travail, la qualité́, l’originalité́ et la rareté́ de nos vins.

 

“Cette identité, nous devons la défendre ensemble”

 

Dans le même article, vous évoquiez la concurrence entre les régions et la difficulté́ de trouver un dénominateur commun. Deux ans et demi plus tard, la situation a-t-elle évolué́ dans le bon sens?

Oui, il y a eu une prise de conscience: les régions doivent travailler ensemble pour affirmer leur identité́, sans pour autant gommer les différences régionales. Ainsi, contrairement à il y a quelques années, lorsque le pire concurrent du Valais était le canton de Vaud, aujourd’hui il y a une réelle volonté́ de défendre ensemble les vins suisses face à la concurrence des vins étrangers. Nous devons faire valoir les valeurs spécifiques à la Suisse, comme l’authenticité́, et revendiquer la légitimité́ historique et culturelle de la viticulture suisse. Nous avons une identité́ à défendre et cette identité́, nous devons la défendre tous ensemble.

Les restaurateurs ont un rôle clé́ à jouer en matière de promotion des vins indigènes. Ont-ils fait des progrès sur ce plan?

Il y a une différence criante entre la Suisse romande et la Suisse alémanique. Ici, on constate un progrès. Aujourd’hui, à Genève, par exemple, vous verrez un joli choix de vins genevois à la carte des restaurants, ce qui n’était pas du tout le cas il y a dix ans. Dans les établissements d’outre Sarine, en revanche, les vins étrangers sont souvent privilégiés. Ceci peut être expliqué en partie par le fait que l’Italie fait beaucoup plus rêver les Zurichois que la Suisse romande. Bien sûr, le prix joue aussi un rôle, car la marge est plus importante pour un restaurateur lorsqu’il vend un vin étranger. C’est une réalité́.

 

"Un nouvel outil de formation va être lancé début mai”

 

Comment encourager les restaurateurs à proposer davantage de vins suisses?

L’une des pistes d’amélioration se situe au niveau du personnel de service. Il est en contact permanent avec les clients et a souvent du mal à expliquer pourquoi le vin suisse est plus cher et à mettre en avant sa valeur ajoutée et son identité. L’idée est de mieux les former. Swiss Wine Promotion va présenter un nouvel outil de formation les 7 et 8 mai prochains, à l’occasion de la Conférence des présidents et de l’Assemblée des délégués de Gastro Suisse.

Pouvez-vous nous en dire plus?

Il s’agit d’un outil en ligne, car il est compliqué pour les restaurateurs de donner congé à leurs employés toute une journée pour suivre un cours. Pour en savoir plus, il faut attendre quelques semaines encore. De manière générale, Swiss Wine Promotion accorde une place importante à la formation. Nous collaborons avec certaines sections de Gastro Suisse pour la mise au point d’ateliers ainsi qu’avec l’Association suisse des Sommeliers ou encore avec l’école de Changins, dans le but de renforcer leur programme sur les vins suisses. Un sommelier qui travaille ici doit avoir une connaissance approfondie des vins suisses. On ne peut bien vendre les vins suisses que si on les connaît!

L’un des principaux objectifs de Swiss Wine Promotion est aussi de faire en sorte que nos vins soient reconnus à l’étranger... C’est indispensable. Si nous sommes les seuls à être convaincus que les vins suisses figurent parmi les meilleurs au monde, cela n’a pas beaucoup de poids. La reconnaissance, on ne se l’attribue pas soi-même.

Quelles actions concrètes avez-vous mises en place pour y parvenir?


Depuis 2015, nous sommes partenaires de la Wine Academy. Cette école basée en Autriche forme les spécialistes en vin. Grâce à ce partenariat, ses étudiants effectuent un voyage de trois jours en Suisse pour découvrir nos vins et nos vignobles. Depuis l’an dernier, nous collaborons aussi avec The Institute of Masters of Wine, à Londres. Enfin, citons le salon autrichien VieVinum, dont la Suisse sera l’hôte d’honneur en juin prochain. Là, le but ne sera pas de vendre des vins suisses en Autriche, mais de nous faire connaître auprès de la presse internationale spécialisée.

 

“Le client qui a visité un producteur sera plus fidèle à son vin”

 

En septembre dernier s’est tenue la première édition des «Rencontres suisses de l’œnotourisme». Vous y aviez souligné l’importance d’imaginer des programmes attractifs pour les touristes et de les faire connaître via un réseau national. Y a-t-il eu du neuf depuis lors?

Nous sommes à bout touchant quant à un partenariat avec Suisse Tourisme, qui voit ce que le monde vitivinicole peut offrir pour étoffer l’attrait touristique de notre pays. L’intérêt de Swiss Wine Promotion est de bénéficier de l’important trafic sur le site de MySwitzerland et d’y être présent. Nous planchons, entre autres, sur une offre d’automne, qui est une période creuse pour le tourisme, mais qui est très riche du côté des vignerons. Tous les artisans du vin voient un grand intérêt à mettre au point des offres globales, mais ils ont aussi tous des journées très remplies. Notre rôle est de rendre possible la création de plateformes offrant des pro­ grammes d’activités variés qui ont la vigne et le vin pour charnière et de participer à l’élaboration de leur concept. Et les activités œnotouristiques sont d’autant plus importantes sachant que le client qui a visité un producteur et une région sera beaucoup plus fidèle à ce vin que s’il l’a découvert par hasard.